La vente de fruits et légumes frais destinés à la revente à l’état sort de la contractualisation obligatoire « LMAP » mais pas de la problématique de la contractualisation.

Un décret du 11 avril 2019, paru au  J.O du 13 avril 2019, vient d’abroger les dispositions du code rural et de la pêche maritime (CRPM) relatives aux contrats de vente de fruits et légumes frais entre producteurs et premiers acheteurs.

Pour rappel, en application de l’article L. 631-24 de ce même code dans sa version issue de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche  dite « LMAP » et d’un décret du 30 décembre 2010 modifié par un autre décret le 15 septembre l’année suivante, l’achat de fruits et légumes destinés à la revente à l’état frais, quelle que soit leur origine, livrés sur le territoire français, devait obligatoirement faire l’objet de contrats écrits entre producteurs et acheteurs. Ces décrets ont été codifiés aux articles R. 631-11 à R.631-14 du CRPM.

Après retour d’expérience, il est toutefois ressorti que le dispositif de la contractualisation n’était que très peu utilisé par les acteurs du secteur. Ces derniers ont notamment fait valoir que la durée minimale de trois ans imposée par voie règlementaire pour les contrats portant sur ces produits était difficile à respecter. En effet, selon eux, la très grande variabilité des cycles de production pour des produits périssables ne leur permettait pas de s’engager sur le long terme.

A l’occasion des travaux parlementaires de la Loi Egalim, le Ministre de l’Agriculture d’alors, Stéphane Travert, a d’ailleurs rappelé que la contractualisation avait pu se solder par des échecs, notamment dans le secteur des fruits et légumes.

Une contractualisation efficace ne peut être qu’une contractualisation adaptée. Il est donc apparu souhaitable, dès l’étude d’impact de la Loi Egalim, de procéder à des adaptations règlementaires, et notamment d’abroger les articles R. 631-11 à R. 631-14 qui avaient rendu ici obligatoire la contractualisation écrite.

C’est chose faite avec le décret du 11 avril 2019. Mais attention : dans ce secteur, la contractualisation ne relève pas d’une époque révolue au plan légal, économique et commercial.

En effet, si jusqu’à la Loi Egalim, le cadrage de contenu de la contractualisation ne concernait que les produits des secteurs où la contractualisation avait été rendue obligatoire – dont celui des fruits et légumes frais – le nouvel article L. 631-24 du CRPM voit avec la Loi Egalim, son champs d’application élargi à tout contrat de vente conclu sous forme écrite de produits agricoles livrés sur le territoire français, que la contractualisation ait été rendue obligatoire dans le secteur ou non.

De même, la Loi Egalim prévoit que la conclusion de contrats de vente (et le cas échéant des accords-cadres avec les O.P ou A.O.P dites « sans transfert de propriété » mandatée(s) par ses membres pour négocier la commercialisation de ses produits) mentionnés à l’article précité, pourra notamment être rendue obligatoire en cas d’accord interprofessionnel étendu ou en l’absence d’un tel accord, par un décret en Conseil d’Etat.

Dans cette dernière hypothèse un tel décret préciserait les produits ou catégories de produits concernés en priorisant les produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine. Il semble qu’il faille y voir un appel à la qualité des productions.

Même si pour l’heure et s’agissant des fruits et légumes frais, le recours à des décrets n’apparaît pas des plus logique au vu justement de l’abrogation du décret instaurant la contractualisation obligatoire en 2010, la possibilité d’une intervention ultérieure des pouvoirs publics n’a pas disparu, à défaut d’accord interprofessionnel étendu. La balle serait-elle alors dans le cas des interprofessions ?

La Loi EGalim attribue quoi qu’il en soit à ces dernières ce qui, à certains points de vue, peut relever d’une position privilégiée pour faire avancer le vaste chantier de la contractualisation, mais dans le même temps d’une très (ou trop) lourde tâche. La grande variété des productions en fruits et légumes rend par exemple à tout le moins complexe l’élaboration par ces organisations interprofessionnelles d’indicateurs pertinents et crédibles, de même que leur diffusion, aux fins de la détermination du prix.

Surtout et c’est probablement là-dessus qu’il faudra réfléchir, même si la contractualisation à elle seule ne pourra tenir lieu de solution miracle pour régler tous les problèmes de la filière et notamment ceux du monde agricole (voir notamment le secteur du lait de vache où l’on ne peut pas vraiment affirmer que la contractualisation obligatoire a permis de solutionner la question du revenu des éleveurs), elle reste un outil intéressant à bien des égards dans les relations avec l’aval au regard des besoins exprimés à ce stade (cf. Circuits longs et partage de la valeur dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire : vers un « Soft Power », des consommateurs plus efficace que la règlementation. JM. Vertut, Revue Lamy Concurrence, n°68, janvier 2018).

Mais le sujet nous renvoie déjà à un autre. Celui du renforcement de l’organisation économique de la production et de la formation des intervenants de l’amont à la marchandisation de leurs productions.

Jean-Michel Vertut – Avocat