C’est enfin signé, et souvent dans les derniers jours de février, voire même hier, lundi 1er mars 2021 au soir.
Il est tellement dommage que ce 1er mars 2021 ne soit pas tombé pas un vendredi, comme il y a deux ans, débouchant sur un week-end bien mérité pour les responsables Grands Comptes et les acheteurs.
Car dès ce jour, mardi 2 mars 2021 au matin, sans transition, c’est une autre ère qui s’ouvre : celle de l’exécution proprement dite des accords.
Boucler ses négociations commerciales au 1er mars, avec signature de la convention annuelle pour l’année qui s’annonce, est en effet à la fois une contrainte légale, mais encore une source de soulagement tant pour les responsables commerciaux côté fournisseurs, que pour les acheteurs côté distributeurs. Mais il y a tout de même un après…
Dans un court article publié le 4 mars 2019, au lendemain de la date fatidique du 1er mars, nous nous penchions sur cette question de l’après 1er mars.
Deux ans ont passé et le sujet reste d’actualité. Nous y revenons.
En effet, d’ores et déjà et sans qu’il faille attendre les premières évolutions de la relation commerciale en cours de période, certains comptes clés et leurs acheteurs ont peut-être fait l’expérience de l’impact de la « loi ASAP » du 7 décembre dernier, qui impose depuis peu au sein du nouveau point 4° du I de l’article L. 441-7 du Code de commerce, de faire la lumière dans la convention écrite sur « l’objet, la date, les modalités d’exécution, la rémunération et les produits auxquels il se rapporte de tout service ou obligation relevant d’un accord conclu avec une entité juridique située en dehors du territoire français, avec laquelle le distributeur est directement ou indirectement lié ». Autrement dit, que la teneur des accords des « accords internationaux » y soit rapportée.
Sans vouloir même effleurer le traitement du sujet de la conciliation du séquençage des négociations commerciales « France » avec les négociations commerciales « Europe », ces accords, qui ne sont pas forcément signés avant le 1er mars doivent – et devront si ce n’est fait – venir abonder le contenu de la convention originelle.
Plus classiquement et passé le 1er mars, comme nous l’évoquions déjà par le passé, le traitement des affaires courantes et le suivi de l’exécution de l’accord initial peut malheureusement conduire à reléguer au second plan les problématiques de révision de l’accord annuel lorsque les parties, au travers de leur pratique quotidienne, procèderont de fait à des modifications ou à des adjonctions à leur convention initiale, sans pour autant formaliser ces évolutions.
On songe par exemple à la prévision en cours d’exercice, de services supplémentaires à rendre par le distributeur, à la révision du contenu des services initiaux ou de leurs prix, au contenu du référentiel, à l’octroi d’une ristourne conditionnelle de fin d’année alors que l’objectif de chiffre d’affaires à réaliser n’a pas été pleinement atteint à raison du défaut de livraison de certains produits commandés, du recul général du marché etc.
L’année 2020, qui restera celle où laquelle le COVID aura fait irruption dans les relations d’affaires, confirme qu’il peut y avoir un réel écart entre les projections initiales avant le 1er mars et les réalisations effectives de l’après.
L’absence de formalisation des évolutions peut être le résultat d’une méconnaissance des règles applicables au-delà de la seule nécessité de « signer » au plus tard au 1er mars, d’une certaine indolence des parties passée la période de crispation des mois de négociation précédents, voire d’une confiance dans l’interlocuteur d’en face sur la mise en œuvre d’engagements pris en cours de relation, par téléphone ou lors d’une réunion de suivi commercial.
Au plan de la forme d’abord et passé le 1er mars, les parties devront donc songer à prévoir des avenants à leur convention en cas de modification de l’accord initial. Ces derniers devront répondre aux exigences du II de l’article L. 441-3 du Code de commerce (à savoir un avenant écrit qui mentionne l’élément nouveau le justifiant), à tout le moins pour les conventions relevant de cet article mais encore de l’article L. 441-4, qui s’y « superpose », en ce qui concerne les produits de grande consommation.
Il ne s’agit finalement que d’une traduction, in concreto, du principe de « transparence dans la relation commerciale » proclamé dans l’intitulé même du chapitre Ier du titre IV du livre IV du Code de commerce, sous lequel se range la section 2 sur « la négociation et la formalisation de la relation commerciale ».
Il existe sur ce sujet un enjeu en droit des pratiques restrictives de concurrence, s’agissant de la régularité formelle de la convention qui doit continuer à retranscrire fidèlement même après le 1er mars et sur toute sa durée, l’accord des parties, sous peine de sanction administrative en cas d’infraction, mais encore en droit des obligations.
Au plan du fond et de l’évolution du contenu de la négociation commerciale ensuite, la renégociation notamment tarifaire, entre fournisseurs et clients de la grande distribution, n’est pas exempte d’un certain cadrage, alors que les réouvertures de négociations, passées la signature des accords commerciaux annuels, sont de plus en plus fréquentes.
Les parties, qui s’estiment à tort et trop souvent libérées des contraintes règlementaires passé le 1er mars, seront donc avisées de ne pas remiser leur accord initial jusqu’à la fin de la période contractuelle, et de songer à le réactualiser en cas d’évolution des conditions initialement convenues.
Alors, plus qu’un au revoir aux prochaines négociations de fin 2021 pour 2022, c’est très probablement un « à bientôt » qu’il faut préférer.
Jean-Michel Vertut – Avocat
Nota : Le commentaire de cet arrêt est intégré à la Lettre de la distribution du mois de Mars 2021 et à la Revue Concurrences. Sur mes autres contributions dans ces publications, voir sous l’onglet Publication, les rubriques Lettre de la Distribution et Autres publications.
Pour approfondir :
Accords commerciaux 2019, avenants et réforme suite à Loi EGalim : alerte 1.
Et précédemment sur des points plus ciblés :
Voir sous l’onglet Publication, dans la rubrique Autres publications, mes trois contributions à la Revue Lamy de la Concurrence des mois d’avril 2017, de juillet/août 2017 et de juillet/août 2018.
Sur la forme de l’accord des parties : Le formalisme de l’article L. 441-7 et la preuve de la modification de l’accord des parties.
Sur le fond de l’accord des parties : Réouverture des négociations tarifaires en cours d’exercice : la cour d’appel de Paris balise la pratique des demandes de baisses de prix ou de « budgets » additionnels.
Sur la transparence dans les relations commerciales : Précision et transparence : une relation aux multiples enjeux dans le cadre des pratiques restrictives de concurrence et des relations commerciales en général.