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Délais de paiement : lignes directrices de la DGCCRF sur les sanctions.

Lignes directrices relatives à la détermination des sanctions pour dépassement des délais de paiement interprofessionnels

 

Contexte

On se souvient que la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation (loi « Hamon ») a introduit des sanctions administratives, en lieu et place de sanctions jusqu’alors pénales, pour non-respect des délais de paiement plafond, fixées dans la numérotation actuelle, aux articles L. 441-10 et suivants du Code de commerce.

Le montant de la sanction administrative était initialement de 375.000 euros pour une personne morale par exemple. Sous les mêmes sanctions, ont été interdites toutes clauses ou pratiques ayant pour effet de retarder abusivement le point de départ des délais de paiement (« délais cachés »).

Cette même loi a donné lieu à un décret d’application du 30 septembre 2014 pris pour la mise en œuvre de la modernisation des moyens de contrôle et des pouvoirs de sanctions de l’autorité administrative chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Presque trois ans plus tard, la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 », a porté le montant maximal de l’amende pour les personnes morales à 2 millions d’euros.

La détermination des pouvoirs publics et du législateur à poursuivre la lutte contre les retards de paiement s’est ensuite manifestée à l’occasion de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance dite « loi Essoc », dont le droit à l’erreur nouvellement instauré n’a pas été étendu aux situations de retard de paiement (Pas de droit à l’erreur et Name and Shame renforcé : deux nouvelles mesures en matière de lutte contre les retards de paiement, Revue Lamy Droit des Affaires, déc. 2018, p. 51, nos obs).

Avec le même dessein, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi Pacte », a renforcé le caractère dissuasif du « Name and Shame », puisque les entreprises sanctionnées pour des retards de paiement ont l’obligation de faire publier cette sanction à leurs frais dans la presse locale. Cette mesure vient s’ajouter à la publication systématique sur le site internet de la DGCCRF. Pour les manquements les plus graves, la publication dans d’autres titres de presse, par exemple spécialisée ou nationale, peut être imposée par la DGCCRF.

C’est ainsi que depuis bientôt une décennie, les agents de la DGCCRF sont compétents pour contrôler et sanctionner les entreprises contrevenantes.

Pour autant, ni l’actuel article L. 441-16 du Code de commerce indiquant le montant des sanctions, dont les dispositions se logeaient à l’origine dans l’article L. 441-6 VI du Code de commerce, ni l’article L. 470-2 sur les conditions dans lesquelles les sanctions sont prononcées, ne fixent de critères légaux permettant de fixer le montant de l’amende administrative pouvant être prononcée (sauf prise en compte de la réitération conduisant à un doublement de l’amende. à rappr. Communiqué du 18 novembre 2019, La DGCCRF sanctionne SFR à hauteur de 3,7 millions d’euros pour manquements réitérés aux délais de paiement légaux).

Certes, une volumineuse note d’information diffusée quelques mois après la Loi Hamon apportait des précisions sur les nouveaux moyens d’action et pouvoirs de sanction de la DGCCRF, mais elle ne traitait pas de l’évaluation du montant des amendes (note d’information de la DGCCRF d’octobre 2014 sur l’application des dispositions de la loi relative à la consommation modifiant le livre IV du code de commerce sur les pratiques commerciales restrictives de concurrence. Cette note annulait et remplaçait une précédente n° 2014-149 du 6 août 2014 note sur le même sujet, commentée à la Lettre. Lettre distr. Sept. 2014, N.E).

De plus, très tôt et à propos de ses nouveaux pouvoirs d’injonction et de sanction, la DGCCRF avait-elle évoqué des lignes directrices et notamment une éventuelle « doctrine » de l’Administration (Les nouveaux pouvoirs de la DGCCRF issus de la loi Hamon, N. Homobono, Directrice générale de la DGCCRF, AJ Contrats d’affaires – Concurrence – Distribution 2014 p.144). Certains auteurs et Confrères appelaient encore récemment de leurs vœux un tel document (Ombres et lumières du dispositif de sanctions administratives des retards de paiement interentreprises, N. Pétrignet, A. Le Bourdon, BRDA, 15-16/21).

Huit ans se donc sont écoulées et voilà ces lignes directrices mises en ligne le 2 décembre 2021.

 

Observations

Ce document vient expliciter les conditions dans lesquelles sont prononcées par la DGCCRF par l’intermédiaire de ses directions régionales (DREETS) dans les conditions fixées à l’article L. 470-2 du Code de commerce, les sanctions à l’encontre des entreprises dont les délais de paiement fournisseurs dépassent les plafonds légaux visés au Code de commerce (et au Code de la commande publique).

Cette communication, qui sera utile aux entreprises contrôlées et à leur Conseils, expose en trois temps le cadre juridique de l’enquête, son déroulement avec un point spécifique sur la question des recours administratifs et/ou contentieux et, enfin, les modalités de détermination de l’amende.

Au plan du déroulement de l’enquête, les lignes directrices indiquent notamment que durant une phase contradictoire, l’entreprise contrôlée est invitée à présenter toute observation et à produire tout document de nature à justifier les retards de paiement constatés.

A cet égard, l’entreprise peut par exemple indiquer que certains retards correspondent à des avoirs ou fournir des preuves que les retards sont liés à des litiges sérieux portant sur la prestation principale du contrat. Mais a contrario, des arguments liés à des manquements au formalisme des factures ou à la transmission trop tardive de la facture par le fournisseur, n’enlèveront pas aux retards de paiement constatés leur caractère illicite s’il n’est pas prouvé que les factures ont été réclamées.

Au plan de la détermination du montant de l’amende, il est indiqué que cette détermination « procède à la fois d’une méthodologie harmonisée entre les différentes DREETS et d’une analyse au cas par cas tenant compte des circonstances particulières de chaque espèce conformément aux principes de proportionnalité et de personnalité des peines. » (si plusieurs délais légaux sont en cause, les amendes sont calculées séparément).

Outre cette indication générale est exposé le cheminement qui est celui des contrôleurs, étant rappelé que, sauf exception, le contrôles portent sur une période d’un an correspondant au dernier exercice clos et que les factures intragroupes sont, en opportunité, exclues du périmètre du contrôle.

Ce faisant, les contrôleurs calculent d’abord lieu le « montant de base » de l’amende à partir principalement du montant de la rétention de trésorerie générée par les manquements.

Ce calcul est ensuite ajusté en tenant compte de la taille de l’entreprise et de l’importance relative du retard par rapport au délai légal maximum prévu, afin d’apprécier la gravité de la pratique.

Vient ensuite la prise en compte de la réitération, le cas échéant, puisque le contrevenant s’expose aux termes de la loi à voir son amende doublée en pareil cas.

Puis il est vérifié que le montant total de la sanction ne dépasse pas le maximum légal de 2 millions d’euros (ou 4 millions si réitération).

Un dernier point a trait à la prise en compte de la situation financière de l’entreprise contrevenante lors de la commission des manquements, au plan de la détermination du montant de l’amende ou de la capacité de l’entreprise à s’acquitter en tout partie de l’amende.

La démarche ainsi entreprise n’est pas sans rappeler, dans une certaine mesure, celle que l’on peut relever dans d’autres lignes directrices pour le calcul d’amendes pour d’autres infractions de nature économique.

On songe notamment aux lignes directrices en matière de calcul des amendes en droit de la concurrence, tant au niveau interne (à rappr. Communiqué de l’Autorité de la concurrence relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires du 31 juillet 2021, abrogeant le Communiqué relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires du 16 mai 2011), qu’au niveau de l’Union (à rappr. Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003), bien que chacun des textes ayant donné lieu aux lignes directrices précitées fassent état de critères légaux de fixation des amendes (voir aussi art.  L 621-15, III ter du Code monétaire et financier fixant des critères légaux en matière de sanction de l’AMF et Paris, 19 décembre 2019, RG n° 19/00495), ce qui, mis à part le critère de la réitération, n’est pas le cas pour les amendes en cas de retard de paiement.

Sans contester, bien au contraire, l’intérêt de ces récentes lignes directrices de la DGCCRF au plan de la quantification du risque de sanction en cas de contrôle, peut-être y a-t-il là le point de départ à quelques réflexions ?

Jean-Michel Vertut – Avocat.

Nota : Le commentaire de cet arrêt est intégré à la Lettre de la distribution du mois de Décembre 2021 et à la Revue Concurrence. Sur mes autres contributions dans ces publications, voir sous l’onglet Publication, les rubriques Lettre de la Distribution et Autres publications.