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Retards de paiement : le nouveau droit à l’erreur ne joue pas.

Un droit à l’erreur a récemment été consacré dans les articles L. 123-1 et L. 123-2 du Code des Relations entre le Public et l’Administration (Loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance ou loi « Confiance »).

Cette intéressante nouveauté est entre autre motivée par le constat d’une complexification croissante des textes et de la multiplication des obligations à charge des administrés, de même que par le souhait de favoriser, dans certaines situations, la bienveillance de l’Administration envers les usagers.

En bref, la mesure permet notamment à une personne ayant méconnu une première fois une règle de ne pas faire l’objet d’une sanction pécuniaire, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l’Administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué.

Même si rien n’interdisait à l’Administration de faire preuve de souplesse lors de ses contrôles, il n’existait pas jusqu’alors de disposition générale lui permettant de prendre en compte l’intention d’une personne ayant commis une erreur de bonne foi, pour adopter à son égard une attitude bienveillante et lui éviter la sanction administrative.

Mais attention : Il serait risqué d’assimiler de manière hâtive droit à l’erreur à immunité ou droit à une seconde chance, de même que le croire systématique.

D’abord, seules les sanctions administratives entrent dans le champ d’application du dispositif. Pas les sanctions de nature pénale (ex. mentions incorrectes sur factures etc.), lesquelles ne sont pas prononcées par l’Administration.

Ensuite, il ne s’agit pas d’accorder aux acteurs un droit de commettre des erreurs, mais celui de régulariser une erreur commise de bonne foi, et ainsi leur éviter de se voir infliger une sanction pécuniaire. Rappelons tout de même l’adage « Nul n’est censé ignorer la loi ».

Enfin, outre certaines sanctions spécifiques qui sont expressément exclues du dispositif (ex. sanctions pour méconnaissance des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement), il est prévu une exclusion générale du bénéfice du droit à l’erreur en cas de mauvaise foi ou de fraude. Il en va de même des erreurs grossières qui sont, par nature, également exclusives de toute bonne foi.

Si la notion de bonne foi n’est pas ici définie afin de maintenir une certaine souplesse lors de l’appréciation du comportement des usagers par l’Administration, la mauvaise foi l’est : Sera de mauvaise foi toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à sa situation (Cf. art. L. 123-2 du Code précité).

Et précisément et même si cela ne ressort pas expressément de la Loi elle-même mais des travaux préparatoires, le non-respect des dispositions de l’article L. 441-6 du Code de commerce sur les délais de paiement limités contractuellement à 60 jours, pourtant passibles de sanctions administratives, comptent parmi les exemples d’erreurs grossières exclues du champ d’application du droit à l’erreur.

L’on peut craindre qu’il en aille de même pour les délais de règlements spécifiques (ex. délai de 30 jours après la fin de la décade de livraison pour les achats de produits alimentaires périssables et de viandes congelées ou surgelées, de poissons surgelés, de plats cuisinés et de conserves fabriqués à partir de produits alimentaires périssables. Cf. art. L. 443-1 Code. com.).

Rappelons que selon les chiffres issus du rapport annuel pour 2017 de l’Observatoire des délais de paiement,  la trésorerie qui pourrait être libérée si aucun retard de
paiement n’était constaté serait de 9 milliards d’euros.

Rien d’étonnant à ce que le Gouvernement ait fait de la lutte contre les retards de paiement l’une de ses priorités et n’ait pas souhaité, dans le cadre de son initiative du projet de loi « Confiance », voir étendre le droit à l’erreur à cette problématique.

Le non-respect de la règlementation des délais de paiement demeure donc une pratique dangereuse au vu des sanctions administratives encourues (2.000.000 d’euros avec doublement en cas de réitération sous deux ans).

Les habitudes « métiers », les retards de règlement subis, les contraintes informatiques ou de gestion, de traitement ou de validations internes des paiements, ne suffiront pas à sortir indemne en cas de contrôle, alors que le contexte augure d’un durcissement du dispositif de sanction.

Même sans pouvoir compter sur un droit à l’erreur, il n’est cependant jamais trop tard pour mieux faire. Les retardataires sont donc invités à s’interroger sur leurs pratiques, le cas échéant avec l’assistance d’un Conseil initié à ce type de question et à la méthodologie des enquêtes, en se positionnant dans la perspective d’un contrôle de la DIRECCTE.

La démarche est d’autant plus souhaitable que l’entreprise, bien que passible de sanction, pourra tenter de mettre en œuvre une série de mesures pour espérer voir atténuer le cas échéant, le montant de l’amende.

Signalons toute de même en relation avec les délais de règlement, que Loi « Confiance » a introduit dans le Code de commerce un nouveau dispositif, permettant de demander à l’Administration de prendre formellement position sur la conformité de certains mécanismes de computation des délais de paiement, que certains professionnels envisagent de mettre en place dans des secteurs économiques à déterminer par Décret. Mais il s’agit d’un autre sujet.

Pour plus d’information : Voir Publication « Pas de droit à l’erreur et Name and Shame renforcé : deux nouvelles mesures en matière de lutte contre les retards de paiement » (Rubrique « Autres Publications »).

Jean-Michel Vertut – Avocat