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Accords commerciaux 2019, avenants et réforme suite à Loi EGalim : alerte 1.

1. Contexte.

L’article 17 de la Loi du 30 octobre 2018 dite Loi EGalim, a habilité le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance, à la modification du titre IV du livre IV du code de commerce, relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.

Ce titre contient l’essentiel des règles qui gouvernent la négociation commerciale. Il traite aussi de sujets tels celui des délais de paiement ou de la facturation, même si en ce domaine d’autres règles sont contenues au code général des impôts.

En outre et pour ce qui est de la vente des productions agricoles au stade amont, il convient notamment de se reporter aux dispositions du code rural et de la pêche maritime, récemment modifié.

Des modifications annoncées par la Loi EGalim sont donc intervenues voici une quinzaine de jours, avec l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019.

Il appartient maintenant aux professionnels et à leurs conseils d’intégrer au mieux ces nouvelles règles à leurs pratiques.

Sans prétendre à l’exhaustivité, nous diffusons à compter d’aujourd’hui et dans les jours qui suivent, quelques alertes, en concentrant nos propos sur les problématiques d’entrée en vigueur.

L’alerte de ce jour traite de la prise en compte, parfois dès maintenant, de la nouvelle règlementation dans la stratégie contractuelle, notamment des fournisseurs.

 

2. Rappels et entrées en vigueur.

Pour les accords annuels en cours.

Les accords annuels 2019, conclus au plus tard au 1er mars dernier, restent régis par les règles en vigueur avant la publication de l’ordonnance. C’est l’application du principe général de non rétroactivité de la loi intégré dans les premiers articles du code civil.

Pour l’avenir et si l’on laisse de côté les accords sur les véritables MDD relatif à des produits spécifiques, la principale distinction à opérer en matière de formalisation de la négociation commerciale ne sera plus fonction de la qualité du revendeur (distributeur ou grossiste), comme cela résultait de la Loi Macron d’août 2016, mais de la nature des produits que ces revendeurs achètent et commercialisent.

Une nouvelle architecture contractuelle voit donc le jour pour les accords commerciaux 2020, moyennant un régime « général » applicable entre tous fournisseurs et distributeurs (y compris les grossistes), complété d’un régime pour les produits de grande consommation ou « PGC », applicables entre tous fournisseurs de ce type de produits et leurs distributeurs (sauf les grossistes).

Les produits « PGC » sont, au sens de l’ordonnance, des produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation. Même si les définitions marketing nous permettent d’approcher cette catégorie de produits, leur liste « légale » sera fixée par voie de décret, non paru à ce jour.

A parution, il pourra être intéressant de constater les arbitrages le cas échéant effectués pour certains types de produits. On songe par exemple aux produits qui mettent en œuvre des produits « systèmes » et des « consommables ». Pris isolément, un système en lui-même pourrait ne pas être considéré comme un produit de grande consommation, alors que les consommables permettant son fonctionnement peuvent l’être. Alors, régime général pour l’un ? Régime PGC pour l’autre ? Régime unique par la notion de principal et d’accessoire  ? A suivre.

Pour les accords pluriannuels en cours.

Une attention particulière est requise pour les conventions en cours à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance et dont la durée est supérieure à un an. Entendre par cela les accords pluriannuels.

On se souvient que la pluri annualité des accords a été rendue possible avec la Loi Sapin II du mois de décembre 2016, dans la limite de trois ans.

Ces conventions pluriannuelles – biennales ou triennales – assez rares à notre connaissance dans l’univers de la Grande Distribution, et qui seraient encore en cours d’exécution au 1er mars 2020, se verront appliquer les nouvelles dispositions à compter de cette date.

Il y aura donc, parce que la loi le prévoit, application de la loi nouvelle aux contrats en cours. Les acteurs devront alors s’assurer de leur conformité passé cette date en s’y préparant rapidement.

En soi et à tout le moins s’agissant de produits ne relevant pas des « PGC », ceci ne devrait pas relever d’une extraordinaire complexité dans la mesure où les conventions du régime général se trouvent assouplies par comparaison à ce qu’elles étaient jusqu’alors, dans le cadre de la relation fournisseur-distributeur relevant de l’ancien article L. 441-7 du code de commerce.

Pour les avenants aux accords en cours (annuels ou pluriannuels).

En ce domaine, fournisseurs et distributeurs doivent immédiatement intégrer, à la façon d’un réflexe, la nouvelle donne dans leur pratique.

Les nouvelles dispositions concernant les avenants aux contrats en cours, qu’il s’agisse des accords annuels 2019 ou pluriannuels, conclus sous l’empire de la loi ancienne, sont dès maintenant applicables.

On se souvient que la faculté de modifier la convention des parties par voie d’avenant avait été entérinée tant par la Commission d’Examen des Pratiques Commerciales et ce depuis longue date (par exemple : Avis du 22 décembre 2018, Avis n° 09-09, Avis n° 17-07, Avis n° 17-10), que par la loi de manière biaisée  (art. L. 442-6 I 12° à l’occasion de la Loi Hamon), ainsi que par les juridictions (CA Paris, 16 mai 2018, RG n° 17/11157. « Réouverture des négociations tarifaires en cours d’exercice : la cour d’appel de Paris balise la pratique des demandes de baisses de prix ou de « budgets » additionnels ». JM. Vertut. RLC Juil-Août 2018, n° 3425 ; à rapprocher « Le formalisme de l’article L. 441-7 et la preuve de la modification de l’accord des parties », JM. Vertut. RLC Avril 2017, n° 3169 ).

Désormais, tout avenant (modification, adjonction ou suppression à l’accord des parties par rapport aux conditions initialement négociées) à une convention écrite actuellement en cours, devra répondre à deux conditions. Il en ira de même, évidemment, pour les conventions futures.

L’avenant devra, d’une part, être établi par écrit, ce qui en soi ne surprend pas s’agissant de modifier une convention elle-même écrite et, d’autre part, se trouver justifié par un élément nouveau.

Bien qu’évoquée  il y a une décennie dans un Avis n° 09-09 de la Commission d’Examen des Pratiques Commerciale qui, sur la question de la remise en cause des négociations juste après la signature du contrat au 1er mars, visait alors « un élément nouveau ou une condition particulière nouvelle et significative [qui] le justifie », il s’agit au travers de cette deuxième condition (l’élément nouveau), plus novatrice que ne l’est la première (l’écrit), de s’assurer notamment que l’avenant ne traduise pas une renégociation totale du contrat, autrement dit qu’il ne remette pas en cause son économie générale.

L’écrit, matérialisant l’avenant, devra donc expressément mentionner « l’élément nouveau le justifiant ».

Les parties devront donc expliquer la raison de leur(s) avenant(s). Elles ne pourront se contenter d’en exposer leurs seuls contenus financiers ou obligationnels.

Sous toute réserve et sauf à ce que l’élément nouveau puisse se résumer au rappel de la seule volonté, nouvelle, des parties, en vue de modifier l’accord initial – ce qui en soi rendrait sans objet la condition d’élément nouveau puisque d’évidence un avenant suppose une volonté nouvelle des parties – il y a fort penser que cet élément soit de nature objective.

Si tel devait être le cas et alors que jusqu’à présent le recours à des avenants n’était pas en soi proscrit, leur possibilité expresse, parfois apparentée à un assouplissement du régime de la convention écrite, tempère l’idée d’un tel assouplissement, à raison du rajout de la condition supplémentaire de l’élément nouveau.

Les éventuelles précisions de la DGCCRF seront donc les bienvenues sur cette question, d’autant que les manquements à cette nouvelle règle sont, dès maintenant, sanctionnables par une amende administrative.

Pour qui connaît les évolutions parfois très fréquentes, des conditions initialement négociées ne serait-ce que pour s’adapter aux conditions de marché, la simplification des dispositions relatives aux conventions écrites reste ici toute relative.

Dans ces circonstances, seul le recours à la faculté qui est donnée de prévoir dans la convention écrite, les types de situations dans lesquelles et les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l’opération de vente sont susceptibles d’être appliquées, permettra, dans le périmètre posé par les parties, d’éviter le formalisme de la modification de la convention initiale par avenant.

Mais attention, cette faculté, inspirée de celle introduite pour les grossistes dans la Loi Macron de 2015, n’est prévue que pour le régime général. Elle n’est pas une solution universelle, puisque les modifications résultant de situations non visées au titre des conditions dérogatoires, nécessite de recourir à un avenant. Elle ne vise, en outre, que les modifications des conditions de l’opération de vente des produits.

Rendez-vous très prochainement pour mon alerte n° 2 sur un autre sujet.

Jean-Michel Vertut – Avocat