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Communications des CGV, négociation et réforme suite loi EGalim : alerte 2.

Cette deuxième alerte s’inscrit dans la continuité de celle du 7 mai 2019 intitulée « Accords commerciaux 2019, avenants et réforme suite à Loi EGalim : alerte 1. ». Elle la complète sur la problématique des communications par le fournisseur de ses CGV, laquelle mérite une alerte spécifique.

Les observations qui suivent peuvent supposer, selon le lecteur, une lecture préalable de notre alerte précédente qui présente, notamment et de manière sommaire, la nouvelle architecture des conventions écrites. Nous y renvoyons.

1. Contexte

Alors que la fin du premier semestre se profile, on sait que la question des CGV et de leur communication va revenir rapidement sur le devant de la scène dès la rentrée prochaine, du moins dans l’univers de la distribution, notamment pour les négociations 2020 avec les enseignes.

La question de cette communication se pose quoi qu’il en soit de manière générale, outre les relations de distribution, donc sans perspective d’une relation encadrée selon la nouvelle architecture propre à ce type de relation.

Il convient de se préparer dès maintenant à traiter de cette question.

En effet et si de facto, certaines dispositions bien qu’immédiatement applicables, n’ont pas vocation pour l’heure à tenir lieu de problématique imminente (la communication des CGV en vue de la négociation des accords annuels pour 2020), d’autres peuvent en revanche, d’un jour à l’autre, être source d’inquiétude et de risque pour les fournisseurs (demande de communication des CGV).

Nous retiendrons alors que les nouvelles contraintes en matière de communication des CGV, sont visées par deux fois dans la réforme.

Ces contraintes poursuivent toutes deux un objectif de transparence dans la relation commerciale (sur ce sujet : « Précision et transparence : une relation aux multiples enjeux dans le cadre des pratiques restrictives de concurrence et des relations commerciales en général », JM. Vertut. RLC Juil-Août 2017, n° 3226).

 

2. Rappels et entrées en vigueur.

Le contenu des CGV est fixé au nouvel article L. 441-1 du code de commerce qui dispose que « les conditions générales de vente comprennent notamment les conditions de règlement, ainsi que les éléments de détermination du prix tels que le barème des prix unitaires et les éventuelles réductions de prix. ».

Nous retrouvons peu ou prou, une rédaction, qui moyennant tout de même quelques variantes sur le fond, rappelle l’existant jusqu’alors quant au contenu des CGV, bien que l’emploi de l’adverbe « notamment » invite à quelques réflexions.

Nous ne les proposons pas ici, dans la mesure où nous avons pris le parti de cibler davantage, au sein de nos alertes, la thématique de l’entrée en vigueur (voir notre alerte 1).

Ces CGV « dès lors » qu’elles sont établies, constituent comme par le passé le « socle unique de la négociation commerciale ».

Il s’infère a contrario de cette précision que le défaut d’établissement de CGV exclut, en fait et en droit, qu’elles puissent constituer le socle, a fortiori unique, de la négociation commerciale.

En pareille hypothèse, il faudra alors composer avec la réalité et par exemple, démarrer la négociation à partir des conditions d’achat ou du contrat proposé par l’acheteur.

Cela étant rappelé et partant de l’hypothèse qu’un fournisseur dispose de CGV, la question de leur communication est évoquée par l’ordonnance à deux moments clés de la possible relation d’affaires entre un fournisseur (ou prestataire de service) et sa clientèle.

 

Communication obligatoire des CGV sur demande de communication d’un acheteur dans le cadre des relations d’affaires en général.

Depuis une quinzaine de jours, avec la publication de l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019, le défaut ou refus de communication par un fournisseur de ses CGV demandées par un client dans le cadre d’une activité professionnelle, se trouve sanctionné par une amende administrative.

Le montant de cette nouvelle amende est de 15.000 euros pour une personne physique et de 75.000 euros pour une personne morale.

Pour mémoire, le fait de ne pas communiquer ces CGV était sanctionné avant 2008 par une amende pénale de 15.000 euros. Depuis lors, la sanction est civile et consiste dans l’engagement de la responsabilité civile du fournisseur ou, de manière assez théorique en l’espèce, en une amende civile, pour autant que la DGCCRF en réclame le prononcé à l’occasion d’un contentieux judiciaire.

Objectif d’efficacité du dispositif oblige, qui dit amende administrative dit prononcé de cette amende par l’Administration suite à un plainte d’un acheteur par exemple, avec recours possible devant les tribunaux administratifs, sans que ce recours ait pour effet de suspendre l’obligation de paiement de l’amende prononcée.

La nouvelle ordonnance veut que dès maintenant et « dès lors que les conditions générales de vente sont établies »,  elles doivent être communiquées sur un support durable, si elles sont demandées par un acheteur dans le cadre d’une activité professionnelle.

Ici donc, pas plus que par le passé, pas de communication obligatoire pour le vendeur sans demande préalable d’un acheteur, sauf situations particulières, telles celles pouvant dériver d’un contrat. On songe par exemple à l’engagement pris par un vendeur aux termes d’un contrat cadre, de communiquer systématiquement ses nouvelles CGV à son cocontractant acheteur en cas d’évolution de ces dernières. En pareil cas, leur défaut de communication serait constitutif d’une faute simplement contractuelle.

Cela étant et plus encore aujourd’hui au regard du caractère parfois assez expéditif des procédures débouchant sur des amendes civiles, les vendeurs devront à l’avenir, prendre au sérieux toute demande de communication qui leur parviendront (par exemple en cours d’année ou en septembre ou octobre en vue des négociations annuelles de fin d’année).

La remarque vaut même en dehors de toute relation de distribution, dans la mesure où l’obligation de communication vise les négociations commerciales en général.

L’élaboration de conditions générales de vente dites catégorielles, pour autant qu’elles soient établies avec soin, peut alors constituer un outil intéressant pour tenter de limiter le périmètre de la communication et, ce faisant, restreindre le droit de regard des acheteurs sur le contenu de conditions générales destinées à des catégories d’acheteurs autres que celle dont ils relèvent.

Il y a là un vrai sujet pour les fournisseurs, qui renvoie à celui de la tarification et des barèmes de réduction de prix (barèmes d’écart etc.).

 

Communication des CGV dans le cadre des relations de distribution.

– Les relations de distribution relevant des relations d’affaires, les observations qui précèdent concernant la demande de communication, sont ici transposables.

On rappelle aussi qu’en présence d’une relation de distribution, le fournisseur avait l’obligation de prendre l’initiative de communiquer ses CGV dans un certain délai (le fameux délai de 3 mois avant le 1er mars), afin que puisse s’engager la négociation avec son acheteur sur la base desdites conditions. Pareille obligation n’était pas applicable dans la relation entre un fournisseur et un grossiste.

Le principe d’une obligation de communication a été maintenu, mais sa mise en œuvre évolue, de même que les conséquences de son non-respect.

Si au plan de la formalisation de la négociation, le régime « général » (ou hors produits de grande consommation) n’impose plus, à la différence du régime spécifique instauré pour les produits de grande consommation, que soit rappelé dans l’accord commercial le barème des prix unitaires (le tarif), le fournisseur, tant en régime « général » que « PGC », reste tenu de communiquer ses CGV, mais selon nous dès lors qu’il en a établi, du moins si l’on suppose que la disposition sur l’obligation de communication des CGV en vue de formaliser la négociation commerciale doit se faire à la lumière de la nouvelle section intégrée dans le code de commerce consacrée aux conditions générales de vente (à rapprocher de la note DGCCRF n° 2014-185).

Mais ce ne serait pas, pour l’heure, la seule et unique interprétation possible de ces textes très récents. D’éventuelles clarifications de la part de la DGCCRF ne pourront qu’être appréciées.

– Cette communication doit intervenir dans un « délai raisonnable » avant le 1er mars en régime « général ». Elle devra en revanche, comme par le passé, avoir lieu au plus tard le 30 novembre en régime « PGC ».

A cet égard, et alors que la règlementation antérieure ne prévoyait pas que le défaut de transmission par le fournisseur de ses CGV dans le délai imparti soit sanctionné en tant que tel (note DGCCRF précitée), les nouvelles règles prévues pour les manquements aux dispositions de la convention écrite (en régime « général » ou régime « PGC »), semblent être de nature à pouvoir sanctionner le défaut d’une telle communication automatique.

L‘article L. 441-6 nouveau du code de commerce dispose en effet que « tout manquement aux dispositions des articles L. 441-3 [règles sur la convention en « régime général »] à L. 441.5 [dont l’article L. 441-4 sur la convention en régime « PGC »] est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75.000 € pour une personne physique et 375.000 € pour une personne morale ».

Le régime « général » contenu à l’article L. 441-3 disposant que le fournisseur reste tenu de communiquer ses CGV dans un délai raisonnable avant le 1er mars, le défaut de communication dans un tel délai – et a fortiori l’absence pure et simple de communication – constitue un non-respect de l’article L. 441-3 précité, et donc un manquement.

Le raisonnement est transposable s’agissant de la communication des CGV, au plus tard le 30 novembre, en vue des négociations devant aboutir à l’établissement d’une conventions du régime « PGC ».

– Même si l’ordonnance instaure déjà une sanction administrative pour le vendeur en cas de non-communication sur un support durable des CGV lorsqu’elles sont établies par lui et qu’un acheteur lui en a formulé la demande (voir ci-dessus), l’éventualité d’une application littérale par les services de contrôles du dispositif de sanction d’une obligation inhérente au séquençage de la négociation commerciale dans le cadre d’une relation de distribution, ne doit pas être pris à la légère.

A moins d’une incompréhension, il y aurait alors deux occasions et risques de sanctions administratives – avec qui plus est deux niveaux d’amende variant d’un à cinq – selon que le défaut de communication des CGV établies interviendrait suite à une demande de l’acheteur, ou qu’il s’opèrerait dans le cadre du séquençage de la négociation commerciale en vue des accords commerciaux annuels dans l’univers de la distribution.

Cette sévérité ou, à tout le moins, cet écart dans le montant de la sanction, peut susciter l’étonnement.

Dans l’attente de toute information le cas échéant complémentaire de la DGCCRF sur le nouveau dispositif qui, sauf erreur, n’avait pas vocation à durcir le régime applicable en matière de communication des CGV dans la perspective de la formalisation de la convention écrite, les fournisseurs rétifs aux risques de sanction communiqueront leurs CGV en temps requis dans la perspective de la négociation des accords pour 2020.

Rendez-vous très bientôt pour une troisième alerte.

Jean-Michel Vertut – Avocat