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Ordonnance du 24 avril 2019 et convention écrite non obligatoire : nouvelles précisions de la Commission d’Examen des Pratiques Commerciales.

Saisie sur la question du domaine d’application de l’obligation d’établir une convention écrite sur le fondement de l’article L. 441-7 du code de commerce dans sa version antérieure à l’ordonnance du 24 avril 2019, la CEPC vient de rendre un avis sur le fondement des nouveaux articles L. 441-3 et L. 441-4 issus de l’ordonnance précitée (régime « général » ou régime « PGC »).

Cet avis n°19-10 du 19 septembre dernier, récemment mis en ligne sur le site de la CEPC, s’inscrit dans la continuité de deux avis de 2013 et 2016 sur des questions similaires (voir in fine note (1)).

1. Contexte de l’avis.

Selon les faits rappelés par l’avis, la relation commerciale mettait en présence un exploitant de complexes cinématographiques et certains de ses fournisseurs, grossistes et fabricants de produits alimentaires et boissons.

A l’occasion du déploiement de son activité, l’exploitant commercialisait deux catégories de produits.

Il vendait d’une part des produits qui étaient transformés dans les points de vente (tels que pop-corn, boissons mises en gobelets, etc.) et, d’autre part, revendait en l’état d’autres types de produits achetés à ses fournisseurs (boissons en bouteille, friandises conditionnées en sachet, glaces, etc.).

Pour cette dernière activité, agissait-il pour autant en tant que distributeur au sens des textes précités, cette qualité le plaçant dans l’obligation de disposer d’une convention écrite conclue avec son fournisseur ?

2. Portée pratique de l’avis.

2.1. Même si l’avis est dédié pour l’essentiel à la problématique de la revente en l’état de produits achetés (boissons en bouteille, friandises conditionnées en sachet, glaces, etc.), il est intéressant de relever que la CEPC constate, sans formuler d’observations ou de réserves à ce sujet, que le professionnel vend des produits de la première des deux catégories ci-dessus, en suite d’une transformation dans le point de vente.

C’est le cas pour les boissons mises en gobelets, peut-être moyennant un simple changement de conditionnement, probablement en suite d’un achat en vrac ou moyennant des conditionnements plus volumineux.

Sauf à ce qu’il soit confectionné sur le point de vente au fil des besoins, ce qui n’est pas précisé, cela pourrait être aussi le cas du pop-corn livré prêt à consommer (sous réserve que cette situation soit ici envisageable) et vendu par la suite au cornet ou en seau selon des quantités variables choisies par le consommateur.

Quoi qu’il en soit, la situation est à conserver à l’esprit. En effet, au-delà des faits de l’espèce, un grand nombre de produits sont commercialisés sans que ne soit modifiée leur nature intrinsèque, le seul changement opéré touchant à leur allotissement ou leur conditionnement en fonction de la demande. On pense notamment aux ventes sous forme de parts ou de portions ou quantités individualisées.

L’évocation, même furtive dans l’avis, de cette modalité de commercialisation, nous renvoie à une solution déjà incidemment évoquée dans un de ses avis de 2016 (avis 16-6. note infra).

La CEPC considérait alors que, pour des produits alimentaires non destinés à être transformés mais reconditionnés dans les points de vente avec des emballages spécifiques, l’article L. 441-7 du Code de commerce n’avait pas vocation à s’appliquer « dans la mesure où il ne s’agit pas de revente de produits en l’état ».

2.2. Pour en revenir au cœur du sujet traité par l’avis, à savoir la revente en l’état de produits dans le cadre d’une activité commerciale qui, au principal, est celle d’une prestation de service (ici visionnage de films dans une salle spécialement aménagée), la CEPC transpose pour l’essentiel les solutions précédentes, et notamment celle de son avis n° 16-6, et considère que la revente, dans les conditions décrites par la partie saisissante, ne rentre pas dans le champs d’application des articles L.441-3 et L. 441-4 nouveaux, du Code de commerce.

Au cas particulier, la CEPC opère comme elle l’avait fait dans son avis 16-6, en soulignant le caractère « accessoire » de la revente des produits alimentaires en l’état, à ceci près que dans ce précédent avis, la revente apparaissait « comme un élément accessoire d’une prestation de service globale », alors que dans l’avis ici rapporté, la vente de prestations de restauration et de produits alimentaires ou boissons en l’état au sein du complexe cinématographique, par les exploitants de ceux-ci, constitue en principe « une activité accessoire à leur activité principale ».

La CEPC reconnaît ainsi plus nettement l’existence de deux activités, tout en prenant le soin de souligner le caractère subordonné de l’activité accessoire à l’activité principale « destinée à une clientèle ayant acheté par ailleurs une place de cinéma ».

C’est d’ailleurs aux conditions relevées en l’espèce, souligne-t-elle, que les exploitants de complexes cinématographiques ne sont pas des distributeurs ou des prestataires de services au sens des articles L. 441‑3 et L. 441-4 du code de commerce et n’ont donc pas à établir de convention annuelle ou pluriannuelle avec leurs fournisseurs de produits alimentaires ou de boissons, même dans le cas où ceux-ci sont revendus en l’état dans leurs établissements.

L’enseignement est intéressant à prendre en compte dans d’autres univers. On songe par exemple à ce que l’on désigne parfois, dans le jargon opérationnel, sous le terme de « marchés spéciaux » (ex. réseau de stations-services exploités par les compagnies pétrolières etc.).

En revanche et probablement pour confiner la portée de la solution ainsi donnée, la CEPC prend le soin de préciser que la solution n’est pas transposable aux situations dans lesquelles la vente de prestations de restauration et de produits alimentaires ou boissons en l’état, serait effectuée non par l’exploitant du complexe cinématographique lui-même, mais par un tiers.

En pareil cas, bien que l’activité restauration et de revente en l’état soit intimement favorisée par l’implantation de l’exploitation tierce dans l’enceinte du complexe cinématographique, il conviendrait à notre avis de n’y voir, ni plus ni moins, qu’une activité tierce ou et indépendante de celle de l’exploitant du complexe.

Ce tiers et ses fournisseurs se verront alors tenus d’établir une convention écrite dans le cadre des fournitures produits destinés à être revendus en l’état, sauf peut-être à considérer, par référence aux avis 13-01 et 16-6 (voir note ci-dessous), que les reventes en l’état de produits alimentaires par le tiers apparaissent comme un élément accessoire d’une prestation de service globale. Une session de rattrapage en quelque sorte…

 

Jean-Michel Vertut – Avocat.

 

(1) Avis n°13-01 relatif à une demande d’avis d’une fédération professionnelle dans le secteur de l’hôtellerie, Lettre. dist. oct. 2013 ; Avis n° 16-6 relatif à une demande d’avis d’un cabinet d’avocats portant sur l’application des dispositions de l’article L. 441-7 du code de commerce dans les relations entre une centrale de référencement et les membres d’un réseau. A rappr. : Avis du 22 décembre 2008, n°08112801, à propos des produits destinés à être transformés par l’opérateur les ayant acquis. Voir aussi plus récemment l’Avis n° 16-7 relatif à une demande d’avis d’un cabinet d’avocats sur l’application de l’article L. 441-7 du code de commerce aux relations entre un fabricant d’appareils domotiques et des installateurs, artisans électriciens, Lettre dist. mars 2016, L.B., ou Avis n° 18-10 relatif à une demande d’avis d’un professionnel portant sur l’obligation de conclure un contrat écrit entre un grossiste en produits de la pêche et un client restaurateur, Lettre dist. déc. 2018, M.A.

Nota : cet article, sous un autre intitulé et quelques variantes, est intégré à la Lettre de la distribution du mois de novembre 2019. Sur mes autres contributions dans cette publication, voir sous l’onglet Publication, la rubrique Lettre de la Distribution.