Archives de catégorie : Centrales

Sous-traitance industrielle et relations industrie-commerce : perspectives similaires sous l’angle des pratiques abusives ?

Commission d’Examen des Pratiques Commerciales, Avis n°23-1, 27 février 2023.

Un récent avis de la Commission d’Examen des Pratiques Commerciales consacré à l’analyse de documents élaborés par un constructeur automobile, s’avère instructif sur un certain nombre de clauses ou pratiques pouvant se rencontrer dans d’autres chaînes d’approvisionnement.

Les enseignements de cet avis, daté de l’avant-veille de la date limite de signature des accords commerciaux au titre de l’année 2023 (soit le 1er mars pour les non-initiés), peuvent nourrir la réflexion sur des clauses ou pratiques comparables parfois rencontrées dans le secteur de la distribution.

Pur hasard, le jour même de la publication des réflexions qui suivent, la presse se fait l’écho de la condamnation de Casino et Intermarché pour des pratiques restrictives de concurrence (Casino et Intermarché condamnés à plusieurs millions d’euros d’amende par la Cour d’Appel, Le Figaro, 15.03.2023 ; Concurrence : Casino et Intermarché condamnés en appel à 4 millions d’euros d’amende, Libération, 15.03.2023).

 

Contexte

Les relations entre constructeurs automobiles et leurs fournisseurs, sous-traitants et autres équipementiers, sont souvent teintées d’asymétries dans le rapport de force à la négociation.

Ces asymétries sous fond de chasse au coûts et d’ultra flexibilité, peuvent donner lieu à des dérives comportementales au plan de la règlementation des pratiques restrictives.

Le sujet n’est pas récent. Il doit être replacé dans le contexte plus général des relations de sous-traitance entre les grands donneurs de l’industrie et leurs fournisseurs, au nombre desquels des PME. Le soin apporté à ces derniers n’est pas toujours exemplaire.

Si, aux termes d’un rapport de 2010 du médiateur des relations interentreprises industrielle et de la sous-traitance, « il ne s’agit pas d’accréditer une vision caricaturale de la réalité en chargeant les donneurs d’ordres de tous les maux et en exonérant leurs sous-traitants de leurs obligations » (Rapport sur le dispositif juridique concernant les relations interentreprises et la sous-traitance du médiateur des relations inter-industrielles et de la sous-traitance, 30 juillet 2010, dit rapport « Volot », p. 11 ; voir aussi le rapport sur les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants dans le domaine de l’industrie, établi par le sénateur Martial Bourquin, mai 2013), il n’en reste pas moins selon ce même rapport, qu’il peut exister des pratiques abusives, auxquelles sont confrontés des sous-traitants et qui sont dénoncées de façon suffisamment récurrente pour qu’on y porte attention.

Certes et comme dans bien des secteurs ou des abus se rencontrent, des codes comportementaux sont imaginés en vue d’assainir les relations entre les partenaires (ex. Code de performance et de bonnes pratiques relatif à la relation client fournisseur au sein de la filière et de la construction automobile du 9 février 2009, suivi du Code éponyme du 6 novembre 2020 ; Guide pour la qualité des relations contractuelles clients-fournisseurs établi dans la continuité du rapport « Volot » précité).

C’est à cette histoire tourmentée que peut être rattachable la demande d’avis d’une organisation professionnelle sur la conformité de documents contractuels d’un constructeur automobile au regard du droit de la concurrence et qui vient de donner lieu à l’avis CEPC n° 23-1.

 

Les problématiques abordées

La CEPC se penche, sous l’angle des pratiques abusives, sur quatre grandes catégories de clauses contenues dans les clauses des Conditions Générales d’Achat (CGA) établies par le fournisseur et dans les conditions de garantie.

Ces quatre catégories portent sur l’organisation logistique, les conditions tarifaires applicables, les garanties dues par le fournisseur, les droits de propriété intellectuelle.

Citons aussi, même si la CEPC ne les présente pas comme relevant d’une catégorie particulière, certaines stipulations des CGA qui permettent au constructeur de mettre fin au contrat de façon immédiate dans différents cas de figure.

Nous nous arrêterons aussi brièvement sur le sujet des pénalités logistiques, abordé sous les développements relatifs aux conditions de garantie ce dont on ignore la raison, de même que sur la question de l’inopposabilité des CGA du fournisseur et des lettres de réserves ou corrections apportées par ledit fournisseur auxdites CGA, et que la CEPC aborde dans le rappel des principes d’analyse des pratiques abusives.

 

Observations

1) Observations générales sur la confrontation CGA/CGV ou lettres de réserves ou corrections, sur les pénalités logistiques et sur l’imprécision rédactionnelle.

– Exclusivement consacré à l’analyse des seuls documents issus d’une filière spécifique, le contenu de cet avis s’avère instructif sur un certain nombre de clauses ou pratiques pouvant se rencontrer dans d’autres chaînes d’approvisionnement, lorsque le rapport de force est à l’avantage de l’un des partenaires (à rappr. avis CEPC 17-11, Lettre distr. 12/2017 ou 20-11, Lettre distr. 06/2020, tous deux à propos de contrat de fourniture de lait).

Signalons d’ailleurs, s’agissant des rappels généraux opérés dans l’avis sur les principes d’analyses en matière de pratiques abusives, la référence, pour l’essentiel, à des contentieux en matière de déséquilibre significatif issus de la relation entre fournisseurs et enseignes de la Grande Distribution alimentaire.

La CEPC examine néanmoins les documents qui lui sont soumis tant sous l’angle du déséquilibre significatif de l’article L. 442-1-I 2° C.com., que de l’avantage sans contrepartie de l’article L. 442-1-I 1° du même code.

L’avis délivre d’abord un rappel des principes d’analyse des pratiques et stipulations contractuelles au regard des règles relatives à l’avantage sans contrepartie et du déséquilibre significatif.

Nous regrettons l’absence de rappel de la jurisprudence récente en matière d’avantages sans contrepartie ou moyennant une contrepartie manifestement disproportionnée, sur le fondement de l’ancien article L. 442-6 I 1° du Code de commerce (Cass. com. 11 janv. 2023, n° 21-11.163, Lettre distr. 02/2023 ; RLC n° 125, mars 2023, n° 4399, nos obs.) et qui a confirmé la pertinence du fondement d’un tel dispositif pour le contrôle des abus dans la négociation commerciale.

Ce dispositif se localise à l’heure actuelle dans l’article L. 442-1 I 1°, d’application très large. Risquons-nous à avancer, sans certitude, qu’un tel silence pourrait être dû au processus décisionnel au sein de la CEPC, pouvant entraîner un décalage temporel entre l’élaboration de l’avis et sa publication.

Quoi qu’il en soit, la CEPC ne manque pas de rappeler que la lettre des textes, visant respectivement « un avantage » ou « les obligations » sans aucune précision ni exclusion, les rend applicables largement, sous réserve que les éléments constitutifs requis soient satisfaits.

L’évocation de l’article L. 442-1 I 1° est d’autant plus remarquable qu’il est en l’espèce question d’avantages qui en eux-mêmes à tout le moins, n’ont pas de caractère financier, mais relèvent d’avantages « juridiques » ou autrement dit de situations avantageuses au plan obligationnel pour l’une des parties.

L’on pourrait y voir une incursion de l’article L. 442-1 I 1° sur le domaine de prédilection de L. 442-1 I° 2°.

Cette plasticité de l’article L. 442-I 1° peut s’avérer intéressante en matière de contrôle des stipulations avantageusement abusives, sans devoir tenir compte d’une éventuelle soumission, comme c’est le cas lorsque le contrôle s’effectue sur le fondement de l’article L. 442-1 I 2°.

– Avant de se pencher sur ces chacune des catégories de clauses et après indication de ce que ce plusieurs clauses des CGA et des conditions de garantie paraissent constitutives d’un déséquilibre dans les droits et obligations des parties au contrat, et le cas échéant susceptibles d’être également appréhendées sur le fondement de l’avantage sans contrepartie, la CEPC relève que l’une des stipulations des CGA a pour objet de soumettre le fournisseur aux CGA du constructeur, en introduisant le principe de l’inopposabilité des CGV du fournisseur, ainsi que de toutes ses réserves ou corrections, en contradiction manifeste avec l’article L. 441-1 du code de commerce qui dispose que les CGV sont le socle de la négociation commerciale.

La CEPC relève qu’il a déjà été considéré en pareil cas, qu’une telle stipulation était à l’origine d’un déséquilibre significatif (Cass. Com. 27 mai 2015, n° 11387) et signale que « les autres clauses du contrat sont appliquées dans le contexte d’acceptation découlant de cette première clause », qui semble accentuer la caractérisation de tels déséquilibres (à rappr. Trib.  Com. Paris, 22 février 2021, n° 2016071676, Lettre. distr. 04/2021, obs. S.C).

Nous pourrions y adjoindre, au vu de l’application large de la prohibition de l’avantage sans contrepartie, l’éventualité d’un tel avantage pour l’auteur des CGA qui, ipso facto, prive son fournisseur de la faculté d’exercice de sa prérogative légale de pouvoir négocier à partir de ses CGV, rendues inopposables par les CGA. Le désavantage de l’une des parties se traduit par un avantage pour l’autre qui dicte ab initio ses propres règles.

De plus et resitué dans le contexte des négociations commerciales annuelles entre fournisseur et distributeur, la critique ici formulée de la déclaration d’inopposabilité des CGV du fournisseur « ainsi que de toutes ses réserves ou corrections », peut se comprendre comme une reconnaissance de la pratique des lettres de réserves fréquemment rencontrées et par lesquelles le fournisseur déclare ne pas accepter tel quel le contenu de l’accord que lui a demandé de signer son client, qui plus est de plus en plus moyennant une acceptation « clic » par voie de signature électronique.

Au plan pratique, cela nous apparait comme l’un des points à faire ressortir de cet avis, alors que la pratique des lettres de réserves peut permettre d’éclairer le consentement donné par le fournisseur sur des clauses qui, en l’état, ne sont pas acceptables à ses yeux, dans le contexte parfois précipité de la signature des conventions annuelles.

– Par ailleurs et bien que le sujet soit abordé sous l’étude des clauses examinées en matière de garantie, signalons aussi, à titre de sujet transversal, que pour des sommes qualifiées de « pénalités logistiques », la CEPC estime que les dispositions de l’article L. 442-1, I, 3° appréhendant le fait « D’imposer des pénalités logistiques ne respectant pas l’article L. 441-17 » ne paraissent pas pouvoir être invoquées.

Cela tient selon elle à ce que l’article L. 441-17 du C. Com concerne les relations entre un fournisseur et un distributeur, c’est-à-dire un professionnel qui achète un produit pour le revendre.

Or, cette situation ne correspond pas à la relation entre un fabricant de composants ou de pièces et un constructeur automobile qui constitue plutôt un contrat d’entreprise ou de sous-traitance industrielle, car les pièces seront incorporées dans un ensemble complexe, le véhicule, qui sera distribué par le réseau de concessionnaires du constructeur.

N’étant pas soumise à l’article L. 441-17 du code de commerce, cette relation ne devrait pas l’être davantage au 3° de l’article L. 442-1, I. La CEPC rappelle qu’il s’agit aussi de l’interprétation retenue par la DGCCRF dans sa « Foire aux questions portant sur les lignes directrices en matière de pénalités logistiques » du mois de juillet 2022.

Nous y rajoutons que bien qu’exclu du champ d’application du texte précité, les clauses de pénalités logistiques n’en restent pas moins, aux termes de la jurisprudence, contrôlables sur d’autres fondements tels le déséquilibre significatif (Paris, 11 sept. 2013, n° 11/17941, Lettre distrib. 10/2013 ; Paris, 18 déc. 2013, n° 12/00150, Lettre distrib. 01/2014, nos obs).

– En outre et même s’il est traité à l’occasion de l’examen de certaines stipulations des CGA permettant au constructeur de mettre fin au contrat de façon immédiate, dans différents cas de figure, tel celui de d’un quelconque retard de livraison ou encore lorsque le constructeur a « un motif raisonnable » de douter de la capacité du fournisseur à tenir ses engagements et que ce dernier ne communique pas des assurances adéquates de bonne exécution, la CEPC relève que le caractère « imprécis et général » de cette formule pourrait contrevenir aux dispositions issues de l’article L. 442-1, I, 2° conférant un « pouvoir discrétionnaire voire arbitraire » au constructeur de rompre, sans motif légitime, la relation commerciale.

S’il n’est pas interdit de compter sur l’illusion ainsi procurée au plan de la maîtrise dans la mise en œuvre de telles clauses, le flou rédactionnel n’est pas l’option souhaitable aux yeux de la CEPC (à rappr. sur le binôme transparence-précision, RLC n° 63, juillet-août 2017, n° 3226).

2) Observations sur l’examen des catégories de clauses.

Il nous apparait que les enseignements de cet avis peuvent nourrir la réflexion sur des pratiques comparables parfois rencontrées dans le secteur de la distribution.

– Clauses portant sur l’organisation logistique.

Caractérise un déséquilibre significatif la prévision dans les CGA de la possibilité de modifier, à la discrétion de l’acheteur, les exigences en matière de fréquence et de quantité des livraisons, les méthodes transport, d’expédition et d’emballage, les dessins et spécifications du bien fourni, sans aucun délai pour l’entrée en vigueur de ces modifications afin de permettre au fournisseur de s’adapter, tout en lui laissant à charge les dépenses et coûts associés à ces nouvelles exigences, sans renégociation possible notamment tarifaire, alors de surcroît que la répartition de ces coûts s’effectue de manière unilatérale par le client.

Il en va de même des clauses qui portent sur la qualité (en ce compris la nécessité pour le vendeur de s’efforcer à l’amélioration permanente de la qualité des biens, des processus de fabrication et de logistique) et sur les exigences et procédures de l’acheteur en cette matière, telles que modifiées ou mises à jour régulièrement par lui.

Le caractère déséquilibré de ces obligations est amplifié par la prévision d’une stipulation relative au recours et à l’indemnisation.

Cette stipulation précise que si le vendeur n’exécute pas pleinement et en temps voulu l’une de ses obligations, l’acheteur sera en droit de réclamer auprès du vendeur tous les dommages directs, indirects, accessoires, spéciaux et consécutifs, les pertes de profits et de revenus, ainsi que tous les honoraires et coûts juridiques encourus par l’acheteur.

Les rédacteurs de cahiers des charges logistique et autres conditions d’approvisionnement, y compris dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire ou non alimentaire, pourront s’inspirer de cette grille d’analyse lorsqu’il sera question d’apprécier le caractère, licite ou non, du contenu de leurs documents.

– Clauses portant sur les conditions tarifaires applicables.

Ici encore, il nous semble que l’avis invite à réflexions au-delà du seul secteur de l’industrie automobile.

Ainsi, l’obligation de maintien pendant une longue durée d’un prix arrêté dans le cadre de la « première-monte », autrement dit en considération de quantités plus importantes que celles susceptibles d’être commandées au titre de l’après-vente, peut être à l’origine d’un déséquilibre significatif sur le plan économique en même temps qu’un avantage manifestement disproportionné au regard de la contrepartie.

L’avis de la CEPC, mettant en corrélation prix et quantité, apparait de notre point de vue cohérent.

Les acheteurs, dans le cadre des négociations annuelles, surtout lorsque des « budgets » fixes sont convenus avec le sous-jacent d’un chiffre d’affaires prévisionnel, de même que lors de demandes de cotation dans la cadre d’appels d’offres (par exemple en matière de MDD), devaient en tirer enseignement, afin de faire en sorte que se vérifient in fine, au moins dans le même ordre de grandeur, les volumes annoncés et en considération desquels les prix ont été établis par le fournisseur.

Mais au-delà de la corrélation prix et quantité, c’est aussi le sujet du maintien des prix sur la durée qui interroge, notamment au regard des paramètres de leur détermination.

Pour rappel, il était en l’espèce question d’une clause prévoyant que pendant les cinq premières années après l’arrêt de la production des véhicules, le fournisseur devait maintenir le prix convenu sauf variation des coûts d’expédition et de conditionnement. Rien n’était d’ailleurs prévu sur la variation des autres coûts.

En termes de période de validité des prix, l’on se situe certes bien au-delà de l’exigence, souvent rencontrée, d’un maintien pendant une année entière, du prix convenu dans le cadre des négociations annuelles.

Qui plus est, très souvent, les accords conclus contiennent une clause abordant le sujet de la modification des tarifs et ce faisant du prix convenu, en cours d’année, selon des conditions et modalités de renégociation arrêtées dans l’accord initial.

L’on se souvient que parfois, une obligation de renégociation peut encore résulter d’une contrainte légale, s’agissant notamment des contrats portant sur des produits agricoles et alimentaires d’une durée d’exécution supérieure à trois mois, en ce compris les contrats portant sur la conception et la production, selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l’acheteur (L. 441-8 C. com).

Pour autant, dans ces cas de figure, rien ne garantit qu’in fine le prix sera effectivement modifié, sauf si les conventions contiennent aussi des clauses de révision automatique (ex. L. 441-7 et L. 443-8 C. com) et pour autant que ces clauses puissent, de par leur contenu, produire un effet utile.

Mais rien de plus en dehors de ces mécanismes légaux conçus pour la protection des acteurs de l’amont de la chaîne d’approvisionnement alimentaire.

Ces dispositifs imaginés pour inciter, voire obliger les parties à faire évoluer en cours de période contractuelle les prix des produits agricole et alimentaires, témoignent de ce que les paramètres économiques présidant à la détermination d’un prix tels la fréquence ou l’intensité de la variation de ces paramètres, doivent pouvoir s’apprécier sur des périodes bien inférieures à cinq années (voir la situation examinée par l’avis), comme par exemple une année (la période généralement couverte par les termes de la négociation annuelle), voire moins (trois mois comme évoqué ci-dessus).

Les demandes pressantes de renégociations formulées courant 2022 par les fournisseurs ont illustré de cette réalité dans le contexte de hausse généralisée des coûts de production auxquels lesdits fournisseurs avaient été confrontés depuis leurs précédents tarifs.

La question de l’intangibilité des prix sur des périodes longues et/ou marquées par des variations importantes des coûts de production, n’a probablement pas fini d’animer les débats.

Au demeurant et pour en revenir au secteur concerné par l’avis, il ne semble d’ailleurs pas que le prix des modèles de véhicules revendus aux utilisateurs se soit établi à un niveau inchangé sur une période de cinq années.

– Clauses concernant les garanties dues par le fournisseur.

Les conditions de garantie renvoient à un article des CGA qui fait peser sur le seul fournisseur la responsabilité de la conformité et de la qualité des produits fabriqués pour l’acheteur.

Après un rappel des obligations du fabricant découlant des différents régimes de garantie et des cas d’exclusion ou de limitation de ses obligations en la matière le cas échéant (ex la faute de la victime), la CEPC observe que ni l’article des CGA ni les conditions de garantie ne prévoient de possibilité d’exonération de responsabilité pour le fournisseur, même en cas de faute de l’acheteur (par exemple, dans le cas où la non-conformité résulterait d’erreurs dans les « spécifications, dessins, échantillons, description et normes de qualité fournis ou autrement spécifiés par l’Acheteur »).

Ce faisant, en ce qu’il fait peser l’entière responsabilité de la qualité des produits sur le fournisseur, sans réserver le cas où le défaut de fabrication serait imputable à l’acheteur, cet article des CGA crée un déséquilibre dans les droits et obligations des parties qui ne semble pas être compensé par une autre clause dans les CGA ou les conditions générales de garantie.

Nous renvoyons à l’avis sur les autres sujets abordés tels (i) celui de certaines échéances de la garantie due par le fournisseur qui dépend de la seule volonté de l’acheteur puisque les CGA et les conditions de garantie sont non négociables, (ii) des coûts encourus ou remboursés par l’acheteur aux concessionnaires automobiles qui reposent sur la seule volonté et évaluation de l’acheteur sans avoir à en justifier, (iii) des actions curatives et campagnes de rappel assorties de contreparties financières à la charge du fournisseur, laissant place à l’arbitraire ou au bon vouloir de l’acheteur, alors que certains rappels ne sont en réalité pas justifiés par un problème de sécurité ou de non-conformité par exemple, mais par une décision du constructeur d’améliorer le véhicule ou ses fonctionnalités, indépendamment de tout problème technique, (iv) du caractère unilatéral de la clause de compensation au bénéfice du seul acheteur, donc sans réciprocité, sans contrepartie ni justification.

– Pour ce qui est des clauses concernant les droits de propriété intellectuelle, nous renvoyons à l’avis.

Voilà donc un avis qui méritait que l’on y prête intérêt, au-delà du seul univers de la sous-traitance automobile.

Alors que, selon la formule répandue, l’encre des accords commerciaux signés pour 2023 n’est pas encore sèche, ce récent avis du 27 février dernier peut tenir lieu, sur les sujets qu’il évoque, de grille d’analyse de certaines clauses présentes dans les accords récemment négociées, et permettra d’éclairer la rédaction de celles pour les prochaines négociations annuelles.

Il convient en effet de se souvenir de l’avertissement figurant en fin d’avis, à savoir que la victime des pratiques ainsi que le Ministre de l’Economie ont la possibilité de faire constater par la juridiction saisie la nullité des différentes clauses illicites ainsi que de demander la restitution des avantages indus et qu’en outre, le ministère de l’Economie peut solliciter le prononcé d’une amende civile.

Jean-Michel Vertut – Avocat.

Nota : le commentaire de cet arrêt est intégré à la Lettre de la distribution du mois de Mars 2023. Il le sera aussi à la Revue Concurrence. Sur mes autres contributions dans ces publications, voir sous l’onglet Publication, la rubrique Lettre de la Distribution.