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La réhabilitation de l’ex. article L. 442-6 I 1° du Code de commerce en matière de sanction des avantages abusifs dans la négociation commerciale.

Affaire EDMA c./ Brico Dépôt

Cour d’appel de Paris, 7 décembre 2022, n° 20/11472

 

Dans un arrêt du 4 novembre 2020, la Cour d’appel de Paris (Pole 5, Chambre 4, n°19/09129), avait jugé que les dispositions de l’article L.442-6, I, 1° du Code de commerce, ne s’appliquaient pas à la réduction de prix obtenue d’un partenaire commercial.

La Cour d’appel en était arrivée à cette conclusion aux motifs que :

« En raison du principe de la libre négociation du prix, le contrôle judiciaire du prix demeure exceptionnel en matière de pratiques restrictives de concurrence. Ce contrôle ne s’effectue pas en dehors d’un déséquilibre significatif, lorsque le prix n’a pas fait l’objet d’une libre négociation, ainsi que l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-749 QPC (voir considérant n°7) à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 (Cass.com. 25 janv. 2017, N° 15-23547). »

En d’autres termes, le contrôle des avantages sans contrepartie ou manifestement disproportionnés ne pouvait plus s’opérer sur le fondement de l’ex article L. 442-6 I 1° du Code précité (voir depuis lors l’article L. 442-1 I 1° de ce Code), mais sur le fondement du déséquilibre significatif dans les droits et obligations, lequel suppose une « soumission » du partenaire commercial (voir depuis lors l’article L. 442-1 I 2° de ce Code qui vise dorénavant « l’autre partie »).

Nous nous étonnions encore très récemment  (voir aussi Lettre de la Distribution, Décembre 2022) de cette solution originale, alors par exemple que sur ce fondement, la Cour de cassation avait jugé, dix ans plus tôt, dans un arrêt ayant reçu les honneurs d’une publication au bulletin, que la mise à disposition gratuite par un fournisseur à son client distributeur, de personnels intérimaires pour la réalisation d’un inventaire, relevait de l’avantage indu car sans contrepartie ou manifestement disproportionné au regard du service rendu, quand bien même ne donnait-il par lieu à un mouvement de fonds en faveur du distributeur (Com., 18 oct. 2011, n° 10-15.296).

Ainsi en allait-il, selon nous, d’un exemple s’il en est d’une application non étriquée de la prohibition, en l’espèce à un avantage en nature.

Nous évoquions aussi la récente analyse du Conseil constitutionnel, certes sur le nouvel article L. 442-1, I, 1°, et sa possible incidence sur le sort de la solution de l’arrêt du 4 novembre 2020, puisqu’à notre connaissance, cet arrêt avait fait l’objet d’un pourvoi.

Quoi qu’il en soit, il semble que la Cour d’appel de Paris ait souhaité, dans un arrêt du 7 décembre 2022 (Paris, 7 décembre 2022, Pôle 5, Chambre 4, n° 20/11472), donner une explication de texte sur l’article L. 442-6 I 1° précité et sur la solution de son arrêt du 4 novembre 2020 :

« La Cour dans son arrêt du 4 novembre 2020 a statué en ces termes : 

« En raison du principe de la libre négociation du prix, le contrôle judiciaire du prix demeure exceptionnel en matière de pratiques restrictives de concurrence. Ce contrôle ne s’effectue pas en dehors d’un déséquilibre significatif, lorsque le prix n’a pas fait l’objet d’une libre négociation, ainsi que l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-749 QPC (voir considérant n°7) à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 (Cass.com. 25 janv. 2017, N° 15-23547). Dès lors, les dispositions de l’article L.442-6, I, 1° précité ne s’appliquent pas à la réduction de prix obtenue d’un partenaire commercial. »

Or, en l’espèce, ainsi que le fait justement valoir la société Edma, le litige ne porte pas sur le seul contrôle du prix mais sur un avantage tarifaire en échange de contreparties commerciales par la « réduction spécifique plan d’affaires » qui ne constitue pas une simple modalité de fixation du prix.

En conséquence, l’article L 442-6, I, 1° du code de commerce est applicable au litige ; »

Un temps quasiment mis au ban des outils de lutte contre certains types d’avantages abusifs par la Cour d’appel de Paris, l’article L. 442-6, I, 1° est réhabilité par la même Cour.

Si le contrôle de l’absence de contrepartie ou de la disproportion manifeste (hors soumission à un déséquilibre significatif) s’effectue dorénavant, depuis l’ordonnance du 24 avril 2019 sur le fondement du nouvel article L. 442-1 I 1°, la solution de ce récent arrêt de la Cour d’appel de Paris redistribue les cartes au plan des procédures sur l’ancien fondement.

Jean-Michel Vertut – Avocat.